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Léah Touitou - Ecriture
13 juin 2012

C'est bien la peine d'être à Montréal pour parler de Lyon.

Dans le cadre des (merveilleux) concours PRODIJ de la Ville de Lyon, j'ai participé à un Grand-Concours. fallait écrire sur Lyon en utilisant le bien joli vocabulaire rapeux des lyonnais, le parler gône, sur une série de thème définis. J'ai écrit sur le beau Guignol et sur les canuts. Un des deux textes sera publié dans le petit livret Lyon-Québec mis en place par la Ville de Lyon, je suis bien contente, la joie est sur ma tête.

( par ailleurs et au passage, Montréal est joyeux, plein de fous gens, de travestis sensuels, de musique tzigane et de libellules en argile.)

(Thème : Lyon et Guignol)

« Hé salut, Lyonnais, Lyonnaises, salut les gônes et les perdus, salut les traîne-les-rues, salut les tarabates, les claque-pavés, on ouvre les rideaux du castelet et qui voilà, le Guignol pour vous ouvrir les bras :

Guignol, la marionnette à gaine, Guignol l'enfant prodige de Laurent Mourget le fier canut lyonnais ! Guignol !

 

Laurent, le voilà, debout bras levés, les personnages portés comme des gants, c'est ma voix et c'est ses doigts pour mes bras, c'est mon souffle et mon mouvement :

Guignol, c'est moi et j'suis léger mais pas facile, je suis une tête de bois, bois de tilleul, de peuplier, une tête sacrément solide pour supporter la dure vie de par-ici, des ouvriers mécontents à Saint-Georges comme à Saint-Jean.

Je ne suis plus tout jeune, faut bien dire ça, depuis 1808 je jabille, je bavasse, je tiens le parloir sur le pavé, j'ai débuté à la grande allée des Brotteaux, et puis, et puis....

J'ai chanté Lyon et ses traboules, sa misère de rue et ses petites joies douces du jardin du Petit Tivoli aux pentes de la Croix-Rousse, derrière les grilles de la Tête d'Or comme aux rives des deux fleuves de chez moi.

 

Et j'suis quoi au fond, selon les scènes je change d'état : j'ai l'habit des beaux canuts, la coiffe et le salsifis à l'arrière du crâne d'un tisseur de soie, et j'ai été presque tout à la fois : un savetier, un domestique, un paysan... Mais j'ai surtout donné de la voix pour défendre le peuple d'en bas, les petites gens qui ne causent pas...

Mais va, j'suis quand même pas un agité, je vais plan, j'aime bien flâner, tu me vois là, j'aime m'amuser.

Et l'autre là-bas, avec sa bouteille, c'est Gnafron, mon acolyte, mon compagnon, on s'en va rafler les osselets ou boire des canons, on cherche les belles lyonnaises, canuses ou margaudes à reluquer ou les bons verres de beaujolais, on file à l'heure du mâchon pour croquer les bons grattons.

 

Quand on a le vent avec nous, on s'en va jouer aux voleurs avec le gendarme !

Des coups de tavelles, des coups de battant, c'est vrai qu'on en prend, mais à la pelle on en rend !

Guignol et Gnafron les galapians, ne craignent ni la loi ni les négociants, ni les censeurs, ni le jugement...

On se bat contre la misère tous les matins, c'est pas un bambane, un babian de gendarme qui nous fera du chagrin ! Nom d'un rat ! On donnera la bastonnade à l'ordre établi, pis en cavalcade, on va débagager, on débaroulera les pentes, jamais perdus et jamais pris !

Dans ma cabiotte, v'là ma fenotte, la seule que je crains, c'est la Madelon, elle est pas sotte mais nom de nom, quand elle est pas contente elle guinche après toi que tu l'entends jusqu'à la Croix , quand elle te crie qu'elle est colère, vaut mieux décaniller, c'est pas pour rien qu'on l'appelle la mère la Grogne, je te dis qu'elle te ferait chougner sans vergogne !


Sang Dieu, je m'en prends des coups sur la caboche, quand elle veut recompter mes escalins, elle se rend compte que j'en ai laissé sur mon chemin, sur la nappe du bouchon, de quoi payer mes pichets de vin !


Mais la vie est belle et bonne, pour nous les marionnettes, nous les Guignols, et sur la grande scène, on vous joue l'amour et la bohème, à coups de tavelles et à coups de canons, canons qui sonnent contre la censure ou qui déraisonnent à folle allure...

Laurent Mourget mon créateur, lyonnais de Saint-Paul, toi qui ne savais pas lire mais aimait raconter tellement, mon Laurent aux mille histoires et aux dix enfants, marchand ambulant et arracheur de dents avant d'en venir au comique des désobéissants, toi qui as tenu spectacle tant et tant pour défendre par ma bouche ouverte grand les pauvres, les canuts, les p'tites gens...

Si, après tant d'années tu savais que j'suis toujours à Saint Jean, comme un emblème, joues roses et cœur de bois battant, à jabiller, à vaciller arrière-avant pour chanter encore Lyon, les gônes et leurs tourments... »

 

 

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Commentaires
L
@Praying : hiiiiii, merci-merci. ca me fait vraiment plaisir. j'ai travaillé avec une moitié que je connaissais et une moitié piochée dans les dossiers canuts / historiques. Bisous québécois !<br /> <br /> @ Mum : merci et vivent les gônes, j exporte le parler lyonnais à Montreal avec bonheur.
M
foi de lyonnaise en voilà un beau texte!!bravo!! Toi tu es une ben belle fenotte et je sais de source sure que de la croix rousse au confluent tous les gones t'aiment bien
P
Sacré tour de force, je présume que tu as bossé avec un dico "lyonnais" quand même ? Quoi qu'il en soit c'est énorme. Bravo et enjoy toujours Montréal. Des bises.
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