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Léah Touitou - Ecriture

3 novembre 2013

Hommage - Ghislaine Dupont, Claude Verlon.

Vous êtes morts, je ne vous connais pas et j’ai de la peine.

Je regarde des photos de vous, je lis vos prénoms et ce qu’on dit de vous, ici, ailleurs. On dit que vous étiez déjà allés à Kidal, avant, on dit que vous étiez des passionnés de l’Afrique, et j’ai de la peine encore.

Je sais comme on est heureux quand on revient dans un endroit qu’on aime. Je sais comme on est heureux quand l’air de quelque part qu’on aime vous brûle les poumons soudain.

Vous avez dû être heureux de revenir. Vous avez dû retrouver des visages, des gens aimés, parce que quand on aime l’Afrique, on aime les gens qui y vivent, et que quand on revient en Afrique, on est toujours reconnus.

Vous avez dû revoir des endroits, des lieux. Vous deviez avoir des rendez-vous, des choses à faire pour le lendemain, le surlendemain, les mois à venir, vous deviez avoir un billet de retour déjà réservé, et vos places seront vides. 

Vous deviez avoir des familles, des amours, des amis, des collègues, des proches.

Vous deviez avoir des projets. Peut-être que vous vous demandiez où vous passeriez les fêtes, que dans les sables maliens chauffés à blanc, une minute parfois, vous fermiez les yeux en pensant à plus tard, au froid parisien, aux bras lointains. Vous faisiez un métier que j’admire, et vous alliez loin, ailleurs, pour raconter ce qu’on ne sait pas, ce qu on ne voit pas, et on vous a tués. Je pense à vous, que je ne connais pas, et que je ne connaitrai jamais, et je vous remercie de ce que vous avez fait.

Vous ne saviez pas que vous alliez mourir ce jour-là, et c’est arrivé, et j’ai de la peine.

J’espère que vous n’avez pas souffert, surtout. Je voudrais me dire que vous ne saviez pas, que c’est arrivé vite, que vous n’avez pas eu le temps d’avoir peur, que vous ne vous êtes pas vus mourir, que vous ne l’avez pas senti. J’essaye de me le raconter ainsi, mais ça n’a jamais l’air vrai.

Je pense à ceux qui vous aimaient, ailleurs, ici. D’un côté ou d’un autre de la mer, je pense aux européens, aux africains, aux gens  qui vous aimaient, et à la peine, à la honte aussi de tous ceux qui aiment l’ailleurs. Au chagrin de tous ceux qui vous ont perdu.

Je pense à ceux qui vous ont exécutés, et  ma salive brûle, je ferme les yeux sur ma colère sans mots.

Je pense que vous êtes morts en terre africaine, et aux contes d’Amadou  Koumba qui disent «  les morts ne sont pas morts, (…) ils sont dans la case, ils sont dans la foule (..), ceux qui sont morts ne sont jamais partis ».

Je pense à vous. 

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19 septembre 2013

Septembre.

Je reviens tout doucement. C'est la rentrée, le Togo est loin, les arbres sont de toutes les couleurs. Je suis allée sur le blog de Christian Chavassieux ce matin, ça disait : 

Passage du temps

"L'été roule encore sur vos épaules, il va tenir long ses feux plantés dans vos nuques jusqu'à la fin de septembre. Je vois ce soleil énoncer chaque pierre par son éclat, et les bêtes blanchies venir à l'auge, dans l'ombre des feuillards, aspirer à elles l'eau tirée du puits. Je regarde ces hommes par delà le temps, je considère leurs vies, leurs songes interdits, leurs existences abrégées et je vois en eux mes enfants inquiets, mes parents à la tâche, et pour tous la résistance des espoirs, le sérieux des secrets."

Extrait de "L'affaire des Vivants". A paraître.

J'ai lu, j'ai relu. J'ai repété plusieurs fois dans ma tête "la résistance des espoirs, le sérieux des secrets". 

Je me suis dit que c'était des beaux mots pour revenir sur le blog délaissé depuis le printemps, c'était des mots d'automne, voilà. 

Le blog de Christian : http://kronix.hautetfort.com/

( allez voir, Christian écrit de beaux livres et fait des jeux de mots qui ensolleillent mes matinées de boulot.Et il a des bretelles, toujours ! )

31 mai 2013

Lomé

Des fois, t'es là, tu regardes tout.

La mer qui danse, les palmiers à l'encre, le ciel gris tendre. 

La lumière le matin.

Tu fermes les yeux.

Les trois notes très aigues d'un oiseau d'ailleurs.

Les voix des gens, les bruits, le sel dans l'air.

Tu respires plein d'oxygène, et le monde est vaste.

Tu regardes tes mains, tu souris tout doucement.

22 mai 2013

Fais ce qu'il te plait, tu m'étonnes, c'est encore la Saint-Valentin.

On n’arrête pas le progrès. J’ai retrouvé une page de Libé de la Saint-Valentin, perdue dans mes placards de Ouagadougou, toute pliée-raturée.  Une fournée de p’tites phrases en plus, en direct de Kpalimé ! (si ça, c’est pas la classe).

« Mon pot de glue »

« Toi qui fais grandir les arbres… »

« Mille Love-Baisers »

« Attache-moi. Bettina. »

« Et si on essayait, tout simplement ? »

« Mon amour de rôtisseuse (…), vous me plaisez tellement. »

« Pour faire le vœu de savoir, longtemps, rester magique… »

« Dès que tu es prête, pardon ensemble au bout du monde. Moi, je suis prêt. »

« U really got me. Pingui. »

« La Rochelle avec toi, Cuba avec toi, des voyages, des hôtels, des terrasses avec toi. Le quotidien, des habitudes, des engueulades avec toi. »

« Cher Colonel… »

« Le monde est encore assez vaste pour tout ce qu il nous reste à vivre. »

« ALEXANDRE AIME SOPHIE. » (je fais ici une toute petite parenthèse contente, car Alexandre aimait déjà Sophie en majuscule dans Libé l’année dernière. C’est chouette.)

« Tes yeux, tes lèvres, ton sourire, ta peau et tout et tout. »

«Petite Fergie fleur d’oranger, viens, on va jouer dehors.. »

« Et l’évidence, qui était toujours là… »

« J ai rêvé de toi au milieu d’un champ de tournesols. »

Puis voilà. C’est le mois de mai, je mange des mangues très douces sur la terrasse au Togo. Je lis sous la moustiquaire bleue, je bois des jus oranges-citrons très sucrés, avec de la glace pilée dedans.  Je fais de la peinture, et la nuit, j’écoute la pluie. 

23 avril 2013

P'tites phrases de la Saint-Valentin d'avril, figure-toi.

Ouais, ouais, ouais.

D’accord, c’est avril, d’accord, je viens écrire presque-jamais. Mais à côté, juré, je fais un tas de choses très prenantes, comme chercher deux chaussettes de la même couleur, faire et défaire mon sac un tas de fois, prendre le train, puis finalement plutôt prendre le bus, parce que c’est encore la grève.

Quand même. Mais j’suis là, puis, tu sais quoi ?

Le 14 février, c’était la Saint-Valentin, je sais, c’était y a plein de jours, j’étais très loin, mais il s’est passé une très-jolie-chose.

Je savais que je serai loin, et que j’allais rater mon minuscule-plaisir de Saint-Valentin, mes friandises de p’tites phrases amoureuses.  Y a des fous gens qui ont pensé à moi, là bas dans mon lointain, et qui m’ont envoyé des pages de journal, des carnets du métro, des annonces amoureuses.

Tu m’imagines, très loin à Ouagadougou, des tas de jours après,  à la pêche aux jolies phrases, avec mon crayon bic, les feuilles coincées sous mon coude à cause du ventilateur qui fait tout envoler ?

C’était bien. Alors, très en retard, en provenance direct du chaud Burkina Faso, avec la complicité d’un tas de gens, voilà les p’tites phrases de la Saint-Valentin d’avril :

« Faudrait voir à arrêter de mettre des miettes de pain partout dans le lit ! »

« J’ai pris le risque de t’aimer, pitié que ça ne s’arrête jamais. »

« Oui, je suis maladroit, oui, je bois trop de bière, oui, je ne fais jamais attention, non, tu ne t’énerves pas, non, tu n’en as pas marre, non, tu es toujours là…  Pour une fois, dis ‘oui’ … Veux tu m’épouser ? »

« Je nous vois pour toujours. La Bouche. »

« Même si tu es loin, je n’oublie rien. »

« Mon Babybel, mon mangeur de sushi, mon monsieur bleu ..»

« Aller au bout du monde ou au coin de notre rue, je t’aime. »

« Ton p’tit mauvais coup. »

« Ta poulette morte »

« Chéri coco… »

« Avec toi, ça rock, ça bouge, m’accorderas-tu encore une danse ? »

« Je n’oublierai jamais ce moment, où, alors que tu marchais devant moi, baignée de soleil, j’ai compris que quelque chose d’irréversible venait de se produire. »

« T’avoir attendue 2 heures sur ce banc il y a quatre ans… »

« Signé : la future mère de ton enfant. »

« A mon calao… »

« Pour qu’une vie pleine de sexe nous soit réservée… »

« Ma chérie. »

« Pars, mais reviens-moi toujours. »

« Notre relation se résume à : tout vient à point à qui sait attendre. »

« Ma’mie »

« Il y a cinq ans, tu m’as séduit dans la mairie… »

« Maman Corinne. On t’aime très forte. On t’aime encore plus que très fort. On t’aime très très fort. On t’aime encore plus que très très fort. On t’aime très très très fort. » 

« Signé : ta copine trop maladroite. »

« A mon génial, éblouissant, excitant, kaléidoscopique mari… »

« Tous les jours ich liebe dich mon amour »

« Sereinement, et sans bruit, et malgré nos inepties… »

« Mon premier, mon dernier, mon infini. »

 

Allez, plein d’amour d’avril sur ta tête, gardez tous vos fils, en mai, on fera que ce qui nous plait. 

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20 avril 2013

Ligne de faille.

J’ai respiré un grand coup

J’ai appuyé et  poussé à la fois, la bague a glissé le long de mon doigt, je l’ai posée juste à côté, un bruit mat sur le bois, dans le silence de la nuit de là-bas.

La bague est sur la table et mes mains sont nues,

la bague n’est plus qu’une bague et je ne suis plus que moi.

Je respire juste un peu plus vite, je passe le pouce à l’intérieur de mon doigt, le long de l’absence, le long de la ligne, tout autour, doucement, doucement, j’essaie de me consoler, je me prends dans les bras, pardon, pardon, pauvre de moi, pauvre de toi, pauvre chérie sans toi, pauvre de moi.

Oh mon amour, mon amour, pardon, tant pis pour nous, tant pis pour moi.

Et même dans la pénombre de la nuit là-bas, sous les quarante degrés de la saison brûlée, Ouaga, ma main a froid, mon amour, mon amour, qu’est ce que j ai fait là ?

Je regarde la très petite ligne qui reste autour de mon doigt, l’empreinte de toi, ce morceau de peau très net, très blanc, protégé des soleils de mes voyages, protégé des sables noirs, des éclats de peintures, des chaos de tous ces décollages. 

Le chemin de toi autour de mon doigt, mon amour, mon été, Miracle, pardon, pardon, de ne pas être une autre que moi.

j’ai quitté la bague et il reste la marque très vive de cet amour-là,  il reste ma peau très blanche d’avant, la peau de quand j’étais encore là-bas,  la peau de quand j’ai enroulé tes promesses au bout de mes doigts, pour te porter toujours avec moi.  

C’est ma peau d’avant, c’est la peau  de celle qui ne savait pas, c’est la peau de celle qui t’embrasse dans les escaliers de l’automne, c’est la peau de celle qui s’en va en sachant par cœur  qu’elle te reviendra.

Ma peau est douce encore, c’est  la peau fragile de l’autre moi, la peau de chagrin de celle de tous tes lendemains, et mes mains brunes, et mes doigts brûlés, peinturlurés de lointain caressent ces millimètres carrés de peau là, pour me consoler, pertes et fracas, pardon, pardon, pauvre de moi.

Peut-être qu il ne me restait que ça, l’amour de toi, ce petit cercle, cette toute petite écharpe de métal froid,  pour me protéger de la brûlure africaine, de l’envie de m’oublier là-bas ?

Peut-être que c’était ça, le dernier saut, le dernier choix, retirer ce qu il restait de toi autour de moi, retirer la minuscule armure de l’immense amour de toi ?

Retirer ce qui me retenait, cette promesse de plus-tard, de retour, ce point d’interrogation d’histoire, regarder la bague triste et son ombre sur le bois, pleurer dans mes doigts,

Et me retrouver là, la nuit au Burkina, à écouter mon bête cœur qui bat, qui bat, qui bat.

18 janvier 2013

Bien sûr.

 

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Bien sûr, j'écris tout le temps dans ma tête, j'écris comme je respire, sur toutes les pages de toutes les heures.
Mais Dakar vivant vibrant violent partout, mais le projet Caravane fou, exigeant, fatiguant.

Heureuse, heureuse, heureuse.

Y a quoi d'autre que ça ?
Du beurre de karité et les pirogues de Saint Louis. Du bissap, du pain de singe, des mini-baobabs dans des pots. Gorée, sels et sables. Souleymane Diamanka, Pierre Bellemare, Madame Bâ, Hitchcock, Dexter, Cyril Pedrosa. Encres de chines, violon, arachides. Casamance. Fleuve, ciel.

J'apprends. Peintures.

Je rencontre, je galère, j'aime. Je me bats pour ça marche. Tout me manque, et tout me brûle.

Mais surtout ?


Heureuse, heureuse, heureuse.

 

 

 

11 décembre 2012

Là ou je suis.

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Parce que je cherche tous les mots du monde pour le dire, je suis partie, je suis là-bas, ça y est, c'est vrai, ça existe et encore ça existera, j'ai vécu tant, ailleurs, loin, les couleurs me brûlent. Fées des fêlées, fées de parties, me voilà ici là-bas, merci des milliards de fois. 

17 octobre 2012

Alors.

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Alors tu hausses les épaules et tu descends la grande rue en pente en te disant que rien n'est grave.

6 octobre 2012

Ce que dit la Voix Sournoise

"Que vas tu faire là bas et qu est ce qu il va t'arriver au fond, est ce que c'est nécessaire est ce que c'est important, est ce que c'est cela qu il faut faire, vraiment, et qui là bas, te prendra dans ses bras ? Tu seras loin, et pourquoi aller loin, la vraie vie est partout, les gens seront autres, la nouriture sera autre, la vie sera autre et souvent tu seras seule, et souvent tu te demanderas pourquoi, et puis, qui, là bas, te prendra dans ses bras ? Tu seras loin, et pourquoi aller loin, tu seras partie pour longtemps, et la vie continuera aussi ici, le temps passe bien plus vite quand on est loin de ceux qu on aime, ils vivront sans toi, ils grandiront sans toi, ils auront des souvenirs sans toi, et qui là-bas, se souviendra de toi ? Que se passera t il quand tu seras seule, que se passera t il quand tu seras loin, longtemps ? Que va t il arriver à ceux qui resteront ici, que va t il t'arriver à toi là bas ? Et si tu as peur, et si tu as mal, et si tu es malade, souffrante, et si tu meurs ? Qui, là-bas, te prendra dans ses bras ? Que vas tu faire là-bas, où tout te manquera, tes amours d'ici et ta vie d'autrefois ? Que vas tu faire, et qui s'occupera de tous ceux que tu laisses ici ? Et s'il arrive quelque chose ici, pendant que tu es, toi, là-bas ? Et s'il t'arrive quelque chose là-bas, quand tous seront ici, sans toi ? Et si, ici, quelqu un est malade, et si ici quelqu'un a du chagrin, toi, tu ne le sauras même pas tant tu seras loin là-bas. Que vas tu faire là bas, est ce que c'est ce qu il faut faire, vraiment ? Et si tu ne reviens pas ? Et si tu reviens et que tu te retrouves seule sans rien, avec du vide entre tes mains ? Qui te redonnera du travail, et qui se souviendra de toi ? Et qui, là bas, te prendra dans ses bras ? Et si tu as de la fièvre, et si on te fait du mal, et si tu as peur ? Et si tu te perds loin là bas, et qu on ne te retrouve pas ? Et celui qui t'aime ici, celui qui te prend dans ses bras, est ce qu il t'attendra ? Et si, pendant que toi tu t'échappes, t'enfuies-voyages, et s'il trouve ici les yeux bien sages d'une autre moins sauvage ? Une plus tendre et moins volage, alors, qui, quand tu reviendras, te prendra dans ses bras ? Et si tu te blesses, et si on t'attrappe, et si tu te noies ? Et si tu disparais, là-bas ? Et si, ici, on a besoin de toi, et que tu es au loin là bas ? Reste là, la vie là bas est autre et violente, la vie là bas est folies et fracas, reste là, reste entre leurs bras, ne t'en va pas, si tu pars, qui se souviendra de toi ? Là-bas sera différent, autre et ailleurs, là-bas est loin et tu ne connaitras rien, là bas n'est rien, reste là, ferme la porte, tire les rideaux, fais la morte, reste là, tu es bien trop petite, c'est bien trop loin, tu veux partir et tu ne sais rien, et si ça ne va pas, qui, là-bas, te prendra dans ses bras ?"

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