J'aime bien avoir raison.

Je suis partie de chez moi en retard, j'avais rendez-vous à 20h30 et c'était déjà 20h24 et il fallait que je prenne le métro et que je poste une lettre.

J'ai descendu les escaliers très vite, j'aime pas être en retard, j'ai couru pour traverser, j'essayais de trouver un timbre dans mon portefeuille et ma lettre à poster au fond de mon bazar, ma veste était mal mise, le col s'était coincé dans la bride de mon sac. Je suis arrivée dans la p'tite rue à toute vitesse, le timbre me collait au bout des doigts mais ne voulait pas coller sur ma lettre, j'avais une ampoule au pied, j'étais toujours en retard, encore plus, et en remettant le col de ma veste, je me suis rendue compte que mon pull était enfilé à l'envers.

Sur le trottoir j'ai tourné la tête machinalement, et j'ai vu le vieux monsieur sur son banc, de nouveau, après des mois.

Ses cheveux étaient plus longs qu'avant, mais il portait toujours la même veste, avec les mêmes accrocs aux poignets, il y avait une bière décapsulée à côté de lui.

C'était 8h27, alors j'ai crié sans m'arrêter " Bonjour, je suis désolée, je suis en retard, je ne peux pas rester ! je suis contente de vous revoir !"

J'ai dû crier fort, un type qui marchait devant s'est retourné. Le vieux monsieur a souri et a crié encore plus fort  en agitant la main " Bonjour mademoiselle ! La prochaine fois alors ? "

J'étais loin, je me suis retournée pour crier encore " Promis ! "

" Au revoir ! " a hurlé le vieux monsieur dans mon dos.

Je suis arrivée en retard et mon pull était toujours à l'envers, et le timbre était collé sur mon sac et ma lettre avait disparu dans mon bazar, et j'étais très contente.

Le vieux monsieur est revenu, c'est presque l'été.